Le Canard de Fribourg
Lili Reynaud Dewar





Mediateur - Charlotte Laubard, Nc Suisse
Marie Gyger
Soutien - Fondation de France, Etat de Fribourg, Loterie romande, Dr. Georg und Josi Guggenheim Stiftung, Gubler-Hablützel Stiftung, Temperatio Stiftung, Fondation Coromandel, Famille Dr a Marca, pharmacien
Collège Sainte-Croix, Rue Antoine-de-Saint-Exupéry 4, 1700 Fribourg, Suisse, 2023
Contexte
A l’origine « le canard » était l’espace circonscrit de rondins de bois à l’extérieur où les élèves se retrouvaient pour les pauses entre deux cours. Il avait la forme d’un canard, dit-on, si on l’observait depuis les étages. Plus personne ne se souvient comment le canard est devenu la mascotte du Collège Sainte-Croix. Les anciens disent il y a plus de vingt ans désormais. Il est maintenant partout : chaque volée dessine son t-shirt à l’effigie du canard et lui dédie un film tourné à l’atelier vidéo ; on se déguise en canard lorsqu’une annonce d’importance doit être faite ; le canard préside le « Fun Day », la grande fête costumée qui précède les examens de fin d’année ; les « duck by night » sont des soirées organisées pour récolter des fonds pour financer des voyages ou pour abonder au « fond de soutien du duck » qui permet d’aider des élèves connaissant des difficultés financières. Et l’on « va au canard » pour se retrouver à l’extérieur. Mais voilà, le canard a dû être détruit au printemps 2019 pour faire place à la construction d’une nouvelle aile du bâtiment. Et tout le monde en a éprouvé un irrémédiable sentiment de perte.
La commande
Profitant d’un budget prévu pour la création d’une œuvre d’art lié à l’agrandissement du bâtiment, un groupe d’enseignant·e·s et d’élèves du collège a décidé de saisir l’occasion pour réfléchir ensemble à ce que représentait ce canard pour leur communauté et à ce qu’il devrait devenir. Bien sûr, il incarne d’abord l’identité ludique et créative que s’est forgé Sainte-Croix, à rebours du sérieux de la devise latine du collège voisin à la fréquentation plus bourgeoise. Mais sa convocation permet surtout de donner une forme rituelle à des actions spontanées, voire anarchiques, qui ne seraient pas tolérées sans cela. Car il est aussi le juge, le protecteur, le garant d’une cohésion sociale parfois mise à l’épreuve par le bilinguisme pratiqué au collège.
Tous·tes s’accordent à dire qu’une sculpture de canard ne permettrait pas de mettre en évidence la complexité des enjeux qu’il symbolise. Les commanditaires veulent un projet artistique qui « accompagne la ritualisation d’actions conviviales et festives » en extérieur et qui puisse « susciter de nouveaux rituels et accueillir les projets de création des futures générations ». Pour répondre à cette demande complexe, la médiatrice des Nouveaux commanditaires les invitent à travailler avec l’artiste Lili Reynaud-Dewar.
L’artiste va leur proposer d’investir le « couvert », une structure patrimoniale en bois, situé derrière le collège dans un état de relatif abandon. Son geste est simple : il s’agit d’ajouter des rideaux ornementés et de poser un plancher en bois coloré de manière à transformer l’espace en une sorte de scène propice à l’organisation d’évènements. Avec l’idée qu’elle puisse aussi servir de salle de cours en plein air, ou permettre tout simplement d’y traîner et d’y discuter pendant les interclasses. Les rideaux confèrent à l’espace une dimension publique et scénique s’ils sont ouverts, et plus privée et intime lorsqu’ils sont tirés. Sur les rideaux jaunes et oranges ont été inscrites des paroles de chansons co-écrites par l’artiste avec des élèves qui célèbrent le canard et leur vie quotidienne à Sainte-Croix et mises en musique par le compositeur Nicolas Murer. Ainsi s’ouvre la possibilité d’un nouveau folklore, celui de chansons à interpréter ou à écrire en hommage au canard adoré. Dans un cadre qui a révélé une extraordinaire qualité acoustique suite à l’intervention de l’artiste.
Lili Reynaud Dewar
Dans son travail protéiforme d'installations, de performances et de films, l’artiste se penche sur la question des identités, celles de communautés de personnes qui partagent les mêmes valeurs. Ses sujets sont souvent des communautés alternatives, leur rejet des conventions, et leur production culturelle spécifique. Sur tous ces sujets, elle s’intéresse à un aspect qu’elle rejoue ou met en scène dans des oeuvres à la théâtralité exacerbée. Enseignante à la Haute Ecole d’Art & Design (HEAD) de Genève, elle fait participer régulièrement ses étudiant.e.s à ses projets artistiques.
Lili Reynaud Dewar est née en 1975. et vit à Grenoble. Elle a reçu en 2022 le prestigieux prix Marcel Duchamp. Le travail de Lili Reynaud-Dewar a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles entre autres à la Kunsthalle Basel (2010), au Magasin — Centre National d’Art contemporain de Grenoble (2012), au 21er Raum — Belvedere à Vienne (2013), au New Museum à New York (2014), à l’Index Fondation for Contemporary Arts à Stockholm (2014), au Consortium de Dijon (2014), au Kunstverein Hamburg (2016), au Museion Bolzano (2017), à Artpace San Antonio, Texas (2017), à la Kunsthaus Bregenz (2018). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives dont la 5ème Biennale de Berlin en 2008, de la Biennale de Lyon de 2013, la Biennale de Marrakech en 2014, la Biennale de Venise en 2015, et la Biennale de Gwandju en Corée en 2016.